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Psychothérapie de groupe et groupes d’entraide en addictologie

France | 6 septembre 2017

Par Anne Claire Nonnotte

Découvrez un extrait de l'ouvrage Addictologie(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Addictologie

Addictologie

Plan du chapitre Groupes de parole Groupes d’entraide Conclusion

G. Dufayet, psychologue clinicien, département de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard – Beaujon, AP-HP, Paris. M. Claudon, psychologue clinicienne, département de psychiatrie et d’alcoologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, Paris.

Les psychothérapies de groupe, quel que soit le modèle auquel elles se réfèrent, sont indispensables à la prise en charge des malades dépendants. Elles sont complémentaires des autres modes de prise en charge.

Groupes de parole

Contexte historique et définition

En 1905, J. H. Pratt est le premier à expérimenter la thérapie de groupe comme méthode de traitement sur des patients tuberculeux. Cette méthode, constituée au départ pour des raisons d’économie et de temps, s’est révélée efficace. Le groupe exerce une influence positive sur l’individu. C’est cependant à J. L. Moreno que l’on doit les termes de « thérapie » ou de « psychothérapie de groupe » (1930). Le développement des thérapies de groupe connut une ascension fulgurante au cours de la seconde guerre mondiale. Elles furent nourries par de nombreux courants théoriques, de la psychanalyse aux approches cognitivistes ou psychosociales. Les thérapies de groupe ne sont pas considérées comme des traitements de référence par tous les programmes de soins [1, 2]. Elles sont, cependant, régulièrement appréciées et utilisées par les praticiens. Il est possible d’en donner la définition suivante : « La thérapie de groupe permet de mettre en présence des sujets présentant les mêmes conduites, facilitant la reconnaissance des troubles et rompant avec le déni qui les entoure » [3].

Les bonnes raisons de proposer un groupe de parole

L’évolution identitaire passe par la rencontre de semblables

L’évolution identitaire permet au nouveau venu d’accepter progressivement un changement de norme. Il passe d’un état où il considère qu’il boit « comme tout le monde » à l’acceptation puis la revendication de son identité de dépendant. Dès lors, être abstinent devient un signe de singularité au sein d’une société qui s’alcoolise. Le sujet apprend, grâce à un travail de réflexion et d’introspection, un « dialogue intérieur » qui le distingue du groupe des buveurs et l’invite à s’en séparer. Le groupe va lui permettre de valoriser cette nouvelle appartenance en devenant un de ses membres : un abstinent. Cette expérience unique soude les membres du groupe entre eux. L’abstinence devient une véritable valeur identitaire qui aura d’autant plus de poids que l’entourage thérapeutique y souscrira.

Repositionnement spatio-temporel

Les patients alcooliques éprouvent souvent des difficultés à se situer dans le temps. Le groupe de parole est un « espace-temps » qui devient un lieu de travail psychique d’autant plus qu’il remplit le vide laissé par l’objet manquant (l’alcool).

Le lieu où se déroule le groupe a son importance, justifiant l’emploi d’une salle identique à chaque réunion. Le cadre sera aussi nu que possible « afin d’éviter tout éparpillement psychique et de permettre à chacun d’y déposer sa souffrance ou d’apporter sa pierre à l’édifice sans support préétabli » [4]. La disposition en cercle est recommandée pour se voir et communiquer : « Le groupe fonctionne comme un miroir de soi, soi parmi les autres » [4]. À l’issue du groupe de parole proprement dit, la salle pourra être investie (au sens fort du terme) par les représentants des groupes d’entraide auxquels les animateurs auront passé le relais. Ces représentants peuvent être introduits en début de séance avec le rappel des consignes, les animateurs laissant clairement entendre que les représentants des groupes d’entraide sont des associés, des partenaires du soin. Leurs interventions appartiennent à un autre temps que celui de la thérapie elle-même. La fréquence des rencontres est au moins hebdomadaire, mais elle peut être plus rapprochée en fonction de l’objectif visé : « La fréquence des réunions aide à passer le cap des “ 24 heures ” sans boire. Le rythme trihebdomadaire au sein d’une structure est un compromis intéressant entre la fréquence nécessaire à un travail psychothérapique et le besoin de lutter contre le repli » [5]. La durée recommandée pour une séance est d’1 h 30 (au maximum 2 heures). Des séances trop courtes (une heure) sont insuffisantes pour travailler à partir des réflexions échangées autour du thème. Si elles sont trop longues, l’animation devient difficile pour les soignants qui doivent mobiliser une attention soutenue et un effort de concentration important. Après le groupe, il est souhaitable de prévoir un temps d’échange entre les soignants pour réfléchir aux interactions entre patients et analyser le déroulement de la séance. Les intervenants profitent de ce temps pour interroger la pertinence de leurs interventions et réévaluer leur positionnement dans le groupe. Ce temps de « postgroupe » peut être intégré à la transcription des réunions, indispensable à la transmission du travail groupal. Ce temps de réflexion peut être ouvert aux stagiaires présents (psychologues, infirmiers) qui apportent un regard externe sur la dynamique des échanges patients–soignants.

Outil de réflexion et d’élaboration psychique

Le groupe de parole peut être considéré comme une réponse privilégiée au défaut de mentalisation, encore appelé alexithymie (incapacité à lire ses émotions) du malade alcoolique. L’enveloppe groupale permet au sujet rassuré par son image en miroir de s’approprier paroles et réflexions émises par un « autre semblable ». La capacité d’élaboration de chaque patient dépendra aussi du climat dans lequel il se sent accueilli. Un climat chaleureux et bienveillant permet au nouveau venu de s’exprimer librement et de confronter ses craintes mais aussi ses désirs de changement à ceux des autres membres. Le travail psychique peut s’élaborer à partir de questions liées au vécu de l’abstinence au quotidien, des situations à risques, de l’appréhension ou de la gestion des envies d’alcool dans des situations sociales ou professionnelles.

À ce premier niveau d’élaboration peut être associée une approche plus dynamique sur le sens de l’alcoolisation dans la vie du sujet. C’est pourquoi le groupe de parole constitue pour le patient un moyen d’identification au bien-être de l’état hors alcool. Au-delà de l’obtention de l’abstinence, c’est son mode d’appropriation personnelle et intime qui permettra à chacun de cheminer du sans alcool (je ne peux plus ou je ne dois plus boire) vers le hors alcool (je ne veux plus boire).

Quand et comment proposer un groupe de parole aux patients ?

Le groupe de parole est à proposer aux patients dès le début de la thérapie individuelle. Il faut, cependant, faire attention à la « levée de boucliers » du patient alcoolique qui peut « ne pas désirer rencontrer d’alcooliques ». Pour faire « baisser la garde » du patient, le thérapeute devra s’impliquer activement dans cette proposition en expliquant, par l’expérience qu’il a du groupe, que le patient lui-même peut également apporter son expérience et, par la même occasion, apprendre du groupe. Pour un patient, participer à un groupe revient à prendre le risque d’être confronté à de « vrais » alcooliques, ceux-là mêmes qui fantasmatiquement ne sont pas comme lui. Bien souvent, l’acceptation de cette rencontre sera conçue pour le patient comme un moyen de vérifier que rien ne le relie au groupe. Au fil du temps, nous avons fait le choix de poser la participation au groupe de parole du service comme une obligation. Le témoignage de nombreux patients nous a conduits à considérer que l’expérience d’une participation au groupe constitue le meilleur moyen de revenir sur les représentations négatives et de remanier les fausses croyances concernant « les groupes d’alcooliques » et les « alcooliques ». L’absence de tour de table et d’obligation de prendre la parole sont des éléments centraux du fonctionnement du groupe, permettant de diminuer l’angoisse liée à l’idée de devoir s’exposer. La participation silencieuse et l’écoute des échanges favorisent, dans un premier temps, le travail d’acceptation et d’identification. Prendre le temps de valoriser le groupe, et les individus qui le composent, valorise, également, l’individu à qui l’on propose ce suivi. Dans le cas où le patient est véritablement réticent à une participation au groupe de parole institutionnel, il est recommandé de lui proposer une rencontre duelle avec d’anciens patients, issus ou non de groupes d’entraide. En effet, l’intérêt du groupe est de rencontrer des personnes qui ont vécu l’expérience de la maladie. Après une première approche duelle, il peut y avoir un passage vers le groupe d’entraide.

Freins et bénéfices

Les freins et les bénéfices des groupes de parole sont indiqués dans le tableau 23.1.

Tableau 23.1

Tableau 23.1

Groupes d’entraide

Un autre type de groupe est à la disposition des malades dépendants : le groupe d’entraide. Il est, lui aussi, complémentaire de la thérapie individuelle. Il permet, là encore, la rencontre et l’échange à partir du vécu d’une expérience similaire.

Historique et définition

Cette approche est devenue thérapeutique dans les années 1940–1950. Outre- Atlantique, les groupes d’entraide sont incontournables dans le traitement des malades alcooliques. Ils s’appuient depuis 1956 essentiellement sur le « modèle Minnesota » (MM) [6]. Le MM est proposé en institution aux malades dépendants. Il associe la technique des 12 étapes des Alcooliques anonymes à la psychothérapie. Malgré un taux de succès impressionnant, cette approche n’est que peu développée en France [7]. Ces groupes d’entraide « sont de petites structures communautaires formées de gens partageant un problème et valorisant l’entraide entre égaux pour arriver à changer leur situation. Ils privilégient comme source de connaissance les expériences des membres et ces derniers contrôlent la destinée du regroupement ». Le groupe d’entraide est, comme le groupe de parole, un lieu d’identification dans lequel il est possible d’échanger des expériences personnelles et intimes avec des personnes ayant une expérience commune. Les partages se font dans le non-jugement et le respect mutuel. Ces qualités garantissent l’acceptation de chacun et nourrissent le sentiment d’égalité [8, 9].

Particularité des groupes d’entraide

L’originalité de ces groupes est l’absence de professionnels dans l’accompagnement. Le groupe d’entraide repose sur l’action et l’expérience des anciens dépendants. L’ex-dépendant met son exemple et son expérience au service du nouveau venu. Qui mieux qu’un ancien alcoolo-dépendant peut comprendre ce que vit un malade alcoolique ? Le thérapeute professionnel pourra toujours essayer de se mettre à la place de la personne malade et tenter de la comprendre, il n’aura jamais l’expérience vécue de la dépendance à l’alcool. Il lui manquera toujours un certain degré de connaissance intime. Il devra faire le deuil de ce manque dans l’intérêt de son patient. Le thérapeute pourra ainsi lui proposer de participer à un groupe d’entraide en complément d’une thérapie « professionnelle ». Groupes de parole et groupes d’entraide ne sont pas antagonistes. Ils reposent sur les mêmes principes : partage, échange et acceptation de l’autre et de la maladie. De fait, ils peuvent être complémentaires entre eux et compléter aussi l’action de la thérapie individuelle (tableau 23.2). Les professionnels qui animent les groupes de parole encouragent vivement la participation aux groupes d’entraide. Ils reconnaissent leurs limites et acceptent un partage de pouvoir et de savoir avec un représentant de groupe d’entraide. Le groupe d’entraide, malgré toutes ses qualités, ne remplacera, cependant, jamais une thérapie individuelle ou une thérapie de groupe. L’inverse est tout aussi vrai. La thérapie ne remplace pas le groupe de parole ou d’entraide.

Tableau 23.2

Tableau 23.2

Conclusion

Thérapies individuelles, thérapies de groupe et groupes d’entraide se complètent dans le soin des malades dépendants. L’effet synergique de ces approches est démontré par de nombreuses études. Ce constat s’appuie sur les taux de réussite, en matière d’abstinence et de maintien de l’abstinence, supérieurs quand les techniques s’associent [7]. Cette approche multidisciplinaire du soin en addictologie fait partie, à part entière, du programme de soins. L’accompagnement thérapeutique doit aussi intégrer la prise en charge des familles et de l’entourage. L’apport des pairs aidants aux groupes de parole, qu’ils soient issus de groupe d’entraide ou non, apparaît comme essentiel au fonctionnement du groupe. La réflexion sur leur rôle et leur statut au sein des groupes comme des institutions permettra de faciliter leur diffusion au sein des structures addictologiques.

Références [1] Gomez H, Garipuy J. Le groupe de parole. Alcoologie et Addictologie 2003 ; 25 : 125–30. [2] Vachonfrance G. Les groupes de parole et les autres thérapies de groupe. Conférence de consensus. Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolodépendant après un sevrage. Alcoologie et Addictologie 2001 ; 2 : 161–72. [3] Adès J, Lejoyeux M, editors. Alcoolisme et psychiatrie. In : Paris : Masson ; 2004. [4] Monjauze M. Comprendre et accompagner le patient alcoolique en groupe. In Press ; 2008 . p. 163. [5] Gomez H. L’alcoolique, ses proches et le soignant. Paris : Dunod ; 2003. [6] Spicer J. The Minnesota model. Minnesota : Hazelden Foundation ; 1993. [7] Ouimette P, Moos RH, Finney JW. Influence of outpatients treatment and 12-step group involvement on one-year substance abuse treatment outcome. J Stud Alcohol 1998 Sep ; 59(5) : 513–22. [8] Romeder JM. Les groupes d’entraide au Canada. Éditions de santé nationale et du bien-être social, 1982. [9] Guide de l’accompagnement pour les groupes d’entraide. http://www.capsante-outaouais.org/ content/guide-daccompagnement-pour-les-groupes-dentraide. © 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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