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Place des pratiques psychocorporelles et définitions

8 mars 2018

Par Monique Remillieux

« Existe-t-il une séparation entre le corps et l’esprit

et si oui, lequel est-il préférable d’avoir? »

Woody Allen

PLAN DU CHAPITRE

■ Principes des pratiques psychocorporelles

  • Une vision uniciste corps-esprit

  • Définition des pratiques psychocorporelles

  • Objectifs des pratiques psychocorporelles

  • Qui peut les pratiquer ?

■ Les grands courants dans lesquels les PPC se développent

  • Place particulière des PPC dans le développement de la médecine et de la santé intégrative

  • Des grands courants thérapeutiques vers l’approche intégrative

■ Exemple de réflexion intégrative : la mise en perspective des TCC et de la psychanalyse

  • Historique

  • Quelques principes et outils des TCC et PIP

  • Dichotomie originelle entre TCC et PIP

  • Évolution des TCC, développement des thérapies cognitives

  • Indications des TCC et PIP

  • Complémentarité entre ces deux pratiques thérapeutiques

Principes des pratiques psychocorporelles

Une vision uniciste corps-esprit

Le corps dont on parle ici n’est pas seulement physique et fonctionnel, il est aussi lieu d’affects, de représentations, d’émotions et outil de relation. Nous nous situe­rons donc dans une vision uniciste corps-esprit. On ne trouvera pas dans ce livre de notion de pouvoir de l’esprit sur le corps ou du corps sur l’esprit.

Corps et esprit sont deux faces de la même entité. Il s’agit de sortir du dualisme cartésien, de cette tendance à dissocier et à mettre en relation hiérarchique le psychologique et le somatique, le corporel et le mental, le matériel et le spirituel.

À savoir

Le lien entre le corps et l’esprit

La médecine occidentale a longtemps été influencée par les concepts philosophiques et religieux qui séparaient le corps de la psyché, amenant ainsi à une vision dualiste de l’être humain, ce qui a eu une incidence sur la conception du corps et sur l’approche thérapeutique de la maladie. La vision mécaniste du corps humain a abouti à une compréhension détaillée des processus pathologiques et a permis l’élaboration de traitements chimiques et chirurgicaux efficaces, évacuant très souvent la relation humaine.

Pourtant, le lien entre le corps et la psyché était connu depuis toujours des médecines traditionnelles. En effet, la vision dualiste corps-esprit n’a pas toujours existé en Occident. C’est avec la pensée de Descartes qu’est née cette dissociation, alors que la quête de la sérénité stoïcienne ou la philoso­phie de Spinoza les unifiait.

Ce lien corps-psyché avait été oublié du fait des développements specta­culaires de la médecine mécaniste. C’est souvent en passant par la pensée orientale que des thérapeutes, des théoriciens, mais aussi de simples pra­tiquants sont revenus à l’unité du corps et de l’esprit qui domine dans ces pratiques issues de la médecine traditionnelle. L’apport de ces systèmes de soins parallèles est de redécouvrir cette unité du corps et de l’esprit, et de proposer une vision renouvelée des soins de santé.

Définition des pratiques psychocorporelles

Les pratiques psychocorporelles (PPC) comprennent l’ensemble des approches psychothérapeutiques partant du corps, ou se servant du corps comme média­tion, mais aussi plus largement des méthodes impliquant un travail corporel à visée psychothérapeutique, prophylactique et préventif.

Ces pratiques s’inscrivent non seulement dans la complémentarité des soins ou thérapies et non en antagonisme avec eux, mais aussi complètement dans le courant intégratif qui se développe en médecine ou encore dans le domaine de thérapies, ainsi que dans celui de la santé intégrative.

Les méthodes psychocorporelles amènent à prendre conscience de ce qui se passe dans l’instant présent Hic et Nunc (ici et maintenant), dans une relation aux autres et au monde qui ne passe pas seulement par un moi pensant, mais aussi en explorant l’éventail des sensations, des émotions et des pensées.

Le travail par la médiation corporelle est un travail sur la relation du sujet au monde. Le patient découvre ses possibilités de changement à partir de ses expériences corporelles.

Ce sont des approches thérapeutiques qui placent le corps, la sensorialité, au centre de l’émotionnel, du mental, de l’intellectuel, voire de l’énergétique dans les conceptions orientales.

Revenir à ses sensations, c’est commencer à lâcher prise, renoncer à la tentation du contrôle, changer de façon de ressentir le monde et les autres, perdre de vue ses préoccupations habituelles, c’est se confronter à sa liberté, s’ouvrir à nouveau à soi et au monde, aux autres.

Nous ne pourrions lister ici toutes les techniques tant elles sont diverses et nombreuses.

Nous avons choisi de développer dans ce livre certaines d’entre elles : les diverses formes de relaxations, l’hypnose et pratiques dérivées, les massages, les méthodes basées sur les philosophies orientales comme le yoga, le qi gong, l’art-thérapie à travers la musicothérapie, la danse, les arts plastiques, mais aussi l’EMDR (Eye-Movement Desensitization and Reprocessing), ou le biofeedback, etc.

Objectifs des pratiques psychocorporelles

Ces techniques visent : ■  le relâchement musculaire et son apprentissage ; ■  la réduction de la tension psychique par l’apprentissage de la détente musculaire ; ■  la décharge émotionnelle ; ■  la verbalisation et l’élaboration des émotions et fantasmes jusqu’alors inconscients ; ■  la concentration sur les sensations ; ■  l’éducation à la sensorialité (nous sommes de plus en plus amenés à développer notre capacité à rationaliser au détriment de l’exploration du monde par le ressenti) ; ■  le développement d’un état d’attention et d’énergie adapté à la situation rencontrée ; ■  une meilleure communication ; ■  un travail sur la relation du sujet au monde.

Qui peut les pratiquer ?

Dans cet ouvrage, nous traitons de l’intégration des pratiques psychocorporelles par les professionnels de la santé dans leur domaine de compétence : le soin, la thérapie, la prévention, la rééducation, la relation d’aide… et de la transmission de ces pratiques à des patients pour les autonomiser et leur permettre de les intégrer comme un art de vivre.

Pour clarifier cette question, cet ouvrage contient un chapitre sur la législation relative à l’exercice des professions susceptibles d’utiliser ces pratiques.

En fonction de la demande du patient, de son problème, de l’objectif de la séance, ces pratiques seront proposées par des professionnels de santé issus de forma­tions différentes.

Par ailleurs, ces pratiques sont également proposées dans un cadre de dévelop­pement personnel : l’objectif est alors différent du soin ou de la thérapie et plus centré sur l’amélioration de la qualité de vie, une meilleure connaissance et déve­loppement de son potentiel…

Ces pratiques font régulièrement l’objet de méfiance, parfois justifiée. Des dérives existent dans le domaine des psychothérapies, du développement personnel et de la formation.

Clarifier les connaissances dans ce domaine est aussi un moyen d’éviter le recours à des pratiques et/ou des formations peu sérieuses, voire sectaires.

! Attention

Quels pièges à éviter en formation et en thérapie ?

Renseignez-vous précautionneusement avant de vous lancer dans une for­mation dont les propositions sont les suivantes :

■  mise en opposition systématique de la méthode psychothérapeutique proposée et de la médecine classique ; ■  croyance en la toute-puissance d’une méthode ou d’une personne à gué­rir toutes les pathologies ; ■  transgressions de la règle d’abstinence et de confidentialité ; ■  pratiques paranormales ou magiques ; ■  prix prohibitifs.

Se rappeler que :

■  le but d’une thérapie est d’amener le patient à plus d’autonomie ; ■  le but d’une formation est d’amener la personne qui se forme, après une phase de supervision, à se servir des enseignements reçus.

En cas de doute, vous pouvez consulter le site de la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : www. derives-sectes.gouv.fr(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre) ) qui propose une liste des sectes et précise comment les reconnaître (voir, p. 63).

Les grands courants dans lesquels les PPC se développent

Place particulière des PPC dans le développement de la médecine et de la santé intégrative

De la notion de médecine complémentaire à la médecine intégrative

Le terme de médecine complémentaire3 recouvre un large ensemble de pra­tiques de soins. Il renvoie à l’idée de traiter un patient dans sa globalité et pas seu­lement de s’attacher à traiter un organe, un symptôme ou une fonction précise. Les médecines complémentaires ont été habituellement regroupées sous le terme anglais de Complementary Alternative Medicine (CAM) et définies par les National Institutes of Health des États-Unis et la Cochrane collaboration comme : « un large domaine de ressources de guérison qui englobe tous les systèmes, modalités, et pratiques de santé, de même que leurs théories ou croyances, autres que ceux qui sont intrinsèques au système de santé politiquement dominant d’une société ou culture particulière à une période historique donnée. »

Les traitements complémentaires sont souvent regroupés4, comme le rappelle le rapport de l’AP-HP sur les médecines complémentaires :

■ Selon la nature du traitement (regroupement en quatre catégories) :

  • traitements biologiques naturels (plantes, compléments alimentaires…) ;

  • traitements psychocorporels (hypnose, yoga…) ;

  • traitements physiques manuels (ostéopathie, chiropractie, massage…) ;

  • autres pratiques et approches de la santé (médecine traditionnelle…).

■ Selon le mode d’administration (regroupement en trois catégories5) :

  • auto-administration (plantes, compléments alimentaires, méditation…) ;

  • administration par un tiers praticien (acupuncture, massage, réflexologie, ostéopathie…) ;

  • auto-administration avec supervision périodique (yoga, biofeedback, tai-chi…).

Ces pratiques ne sont donc pas intégrées dans la tradition académique ou le sys­tème dominant du pays et pourtant largement utilisées par les patients, notam­ment quand un symptôme se chronicise.

Les médecines complémentaires sont donc identifiées comme celles utilisées en complément de la médecine conventionnelle (et donc bien à différencier des médecines alternatives qui sont utilisées à la place de la médecine conventionnelle).

Nous nous situerons d’ailleurs bien dans notre propos tout au long de cet ouvrage dans cet axe de complémentarité des différents systèmes.

Le rapport de l’AP-HP6 sur les médecines complémentaires a montré que l’offre de médecines complémentaires organisée dans le cadre hospitalier de l’AP-HP concernait plus de 15 traitements complémentaires différents avec principalement des traitements psychocorporels, en particulier l’hypnose, la relaxation, le toucher thérapeutique ; puis venaient les traitements physiques manuels (ostéopathie prin­cipalement) et des traitements issus des médecines traditionnelles (acupuncture).

Au-delà de l’AP-HP, une enquête réalisée auprès des CHU français7 montre également l’importance de l’utilisation des pratiques psychocorporelles ; viennent ensuite les traitements manuels, puis les pratiques issues des médecines traditionnelles. La médecine par les plantes, qui fait bien partie des pratiques complémentaires, n’est pas représentée en tant que telle à l’AP-HP, car elle pose de nombreux pro­blèmes, notamment d’ordres réglementaires.

La notion de médecine intégrative, quant à elle, renvoie à l’intégration dans le parcours de soins d’un patient de pratiques issues de la médecine conventionnelle et celles issues de la médecine complémentaire (qui font l’objet d’une évaluation scientifique de l’efficacité des pratiques et de leur sécurité). La médecine intégrative, qui associe les pratiques de ces deux approches, tient compte de la personne dans sa globalité (corps, esprit, spiritualité) et développe une approche personnalisée, tout en prenant en compte l’importance de la relation thérapeutique. Dans cette démarche, les différents aspects du mode de vie du patient sont pris en considé­ration et la place de la prévention y apparaît comme essentielle. Le maître mot est interdisciplinarité, ou comment une équipe peut apporter au patient tous les soins nécessaires, qu’ils proviennent de la médecine ou des pratiques complémentaires.

Le passage de la notion de médecine intégrative à celle de santé intégrative8

Ce passage ouvre une voie résolument nouvelle dans le domaine thérapeutique. Le changement de dénomination du NCCAM (National Center for Complementary and Alternative Medicines) renommé en NCCIH (National Center for Complementary and Integrative Health) a bien marqué en 2015 aux États-Unis ce tournant en mettant en lumière l’importance de la prévention et de la santé inté­grative. Rappelons d’ailleurs que pour l’OMS, la santé n’est pas seulement une absence de maladie mais aussi un état complet de bien-être physique, mental et social.

Il ne s’agit plus seulement d’informer, de proposer des approches complémentaires ou encore un parcours de soins associant diverses approches, mais de permettre à un patient de les intégrer, d’être autonome, dans une pratique quotidienne et de développer un véritable art de vivre pour permettre un changement durable. Ainsi, l’accroissement de l’utilisation des différentes approches complémentaires, qui ressort des différents rapports, montre aussi une volonté de se réapproprier sa santé de la part des patients. Mieux informés et soucieux de leur santé, ils sollicitent de plus en plus des pratiques comme l’hypnose, les massages, la chiropraxie, etc. Les pratiques complémentaires sont recherchées pour une prise en charge optimale. L’exemple de la prise en charge du cancer met également en lumière ces changements. En effet, avec l’avancée considérable des traitements conventionnels, nous pouvons constater une augmentation de la durée de vie des patients, ce qui modifie profondément leur prise en charge. C’est cette transformation du cancer en maladie chronique qui impose la prise en compte de la qualité de vie des patients comme un axe essentiel dans leur prise en charge. Tout doit être mis en œuvre pour préserver et améliorer la qualité de vie tout en essayant de prolonger la vie du patient.

Des grands courants thérapeutiques vers l’approche intégrative

Chacune des pratiques psychocorporelles pourra avoir des objectifs différents en fonction de la ou les théories auxquelles elle se réfère. Pour une même méthode comme la relaxation par exemple, une grande importance peut être accordée à la parole (méthode Sapir), alors qu’une autre privilégiera la prise de conscience du relâchement musculaire (Jacobson). Certains courants s’appuient sur le transfert, d’autres pas.

À partir du corps, ces pratiques peuvent amener un patient à un travail :

■  sur l’inconscient (orientation psychanalytique) ; ■  sur le contexte familial ou l’environnement (orientation systémique et familiale) ; ■  sur le changement des attitudes et comportements (orientation cognitivo-comportementale) ; ■  sur l’unicité de chaque individu (orientation humaniste) ; ■  sur une libération émotionnelle ; ■  sur toutes les orientations décrites ci-dessus en fonction de la problématique et l’évolution du patient (courant éclectique et intégratif).

Nous avons, dans le tableau suivant (voir, p. 16 et 17), répertorié différents points pour chacun des courants théoriques des psychothérapies décrits, afin de les mettre en perspective.

Autant que l’approche envisagée (qui doit être adaptée à la pathologie du patient et à son fonctionnement), l’empathie, l’intérêt porté au patient par le thérapeute, sa fiabilité, sa formation, l’investissement respectif et l’existence d’un transfert (quelle que soit la nature de celui-ci, qu’il soit analysé ou utilisé) sont des éléments déterminants de l’efficacité d’un suivi thérapeutique.

Mise en perspective des différents courants théoriques.

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Face à la multiplicité des pratiques thérapeutiques ainsi que des modèles théoriques, l’approche intégrative s’avère très souvent être une nécessité.

Plusieurs démarches intégratives émergent dans la littérature9 et proposent :

■ d’incorporer ou d’assimiler de nouveaux outils dans sa pratique ou conceptualisation habituelle ; ■ de juxtaposer sans chercher à les imbriquer différents outils ou cadres de soins et ainsi multiplier les perspectives ; ■ de développer un méta-modèle théorique à partir de la synthèse de différentes théories ; ■ de déterminer l’efficacité spécifique de telle technique sur tel patient et pour telle problématique.

L’approche intégrative pousse à inventer tout le temps ; c’est avant tout un processus créatif, une perspective dynamique où praticien et patient co-construisent une démarche mobile. Ce n’est pas une nouvelle technique, mais une nouvelle manière de concevoir la pratique.

Le courant éclectique et intégratif utilisera différentes pratiques psychocorporelles en les référant à divers courants théoriques. Quels que soient la méthode, son objectif et son cadre théorique, le but est d’adapter en permanence la pratique à la demande du patient, à son symptôme et à son évolution.

Exemple de réflexion intégrative : la mise en perspective des TCC et de la psychanalyse

Pour mieux comprendre ce courant intégratif qui est particulièrement intéressant dans le développement des pratiques psychocorporelles, nous avons choisi de prendre pour exemple deux courants, celui des thérapies cognitivocomportementales (TCC) et de la psychanalyse, afin de mieux cerner leurs possibilités d’association, de complémentarité, mais aussi leurs différences fondamentales. Jusqu’à présent, il existait plutôt un « affrontement » entre partisans de la psychanalyse et partisans des thérapies cognitivocomportementales. Ces méthodes sont-elles incompatibles ou peuvent-elles se compléter ?

Qu’est-ce qui distingue, qui rapproche et qui rend complémentaires deux approches psychothérapiques fondamentales ?

■ Les psychothérapies d’inspiration psychanalytique (PIP), issues du modèle de psychologie subjective, dans le sens où le psychisme du thérapeute est mis au profit de celui du patient, avec toutes les limites que cela comporte. ■ Les TCC, issues de la psychologie objective, expérimentale, ayant une revendication de scientificité.

Historique

Psychanalyse et TCC sont nées au début du XXe siècle, et ont connu deux évolutions parallèles :

■  La psychanalyse est née de la pratique hypnotique avec Freud et Breuer ; elle a évolué de la cure type vers les thérapies en face à face, la psychanalyse d’enfants, le psychodrame, les psychothérapies institutionnelles.

■  Les TCC ont vu deux périodes successives avant d’aboutir à leur forme actuelle : pendant la première moitié du XXe siècle, une période comportementale et expérimentale, où seule l’analyse des comportements compte, le cerveau est une « boîte noire » (Pavlov, Skinner, Watson…) ; pendant la seconde moitié du XXe siècle, une période comportementale et cognitive, où l’étude des pensées complète celle des comportements (apport de Beck et Ellis, qui sont d’anciens psychanalystes).

Quelques principes et outils des TCC et PIP

■  Pour les TCC : désensibilisation par relaxation et exposition (confrontation en imagination et en réalité avec les situations redoutées), apprentissage social (jeux de rôle), restructuration cognitive (travail sur les pensées et les schémas mentaux).

 Pour les PIP : méthode des associations libres (dire tout ce qui vient, comme cela vient), interprétations de l’analyste, transfert, contre-transfert, travail sur les rêves…

Dichotomie originelle entre TCC et PIP

À l’origine des deux formes de psychothérapies dont nous traitons, il existe des conceptions de fond et de forme très différentes.

Mise en perspective des thérapies d’inspiration psychanalytique (PIP) et cognitivocomportementale (TCC).

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Évolution des TCC, développement des thérapies cognitives

Après l’avènement des thérapies comportementales « pures et dures » durant la première moitié du XXe siècle, où seule l’analyse des comportements compte, Beck et Ellis, d’anciens psychanalystes, amènent la notion de schémas : structures trou­vant leurs racines dans l’enfance, stockées dans la mémoire à long terme, croyances rigides, filtres au travers desquels on se voit soi-même et on se représente autrui. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, l’étude des cognitions des patients est donc associée à celle de leurs comportements.

Les thérapies cognitives reconnaissent donc l’action du passé sur le présent ; elles étudient les interrelations entre discours interne, comportements et émotions du patient ; elles sont de durée beaucoup plus longue que les thérapies com­portementales initialement développées (jusqu’à 2-3 ans, avec des consultations hebdomadaires) ; elles s’inspirent de la psychanalyse quant à l’étude de la genèse infantile des schémas, et des thérapies comportementales quant à la structuration des séances (plan de séance).

Ainsi, nous pouvons dire que TCC et PIP agissent sur les mêmes cibles, les repré­sentations mentales, en tentant de les modifier. Elles s’intéressent donc à la même triade, la triade de Lang.

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Toutefois, la grande différence entre psychanalyse et thérapies cognitives réside dans la notion d’inconscient :

■ l’inconscient cognitif (schémas mentaux) correspond au préconscient freudien ;

■ les TCC ne reconnaissent pas l’existence d’un inconscient fantasmatique, pul­sionnel, qui fonctionnerait différemment du conscient.

Donc, en quelque sorte, sans allusion péjorative, les TCC s’arrêtent là où la psy­chanalyse commence ; leur domaine d’étude respectif se complète, voire se che­vauche, sans s’opposer.

Leurs indications se posent ainsi à des niveaux différents de compréhension et de fonctionnement du patient.

Indications des TCC et PIP

En reprenant la littérature, leurs indications sont sensiblement les mêmes :

■  troubles anxieux, névroses ; ■  troubles de l’humeur en rémission ; ■  troubles psychotiques chroniques (psychothérapies institutionnelles pour la psychanalyse et entraînement aux habiletés sociales pour les TCC) ; ■  troubles de la personnalité ; ■  pathologies psychosomatiques ; ■  troubles addictifs, troubles sexuels, troubles du comportement alimentaire.

Alors comment orienter préférentiellement un patient vers l’une ou l’autre de ces thérapies ? Qu’est-ce qui permettrait de penser que telle ou telle forme de prise en charge serait plus judicieuse pour tel ou tel patient ?

Pour les PIP :

■  problématique en rapport avec l’histoire personnelle, répétition de situations douloureuses ; ■  difficulté pour les choix, dépendance agressive, difficulté à prendre du plaisir ; ■  souffrance diffuse, sans symptomatologie précise.

Pour les TCC :

■  symptomatologie invalidante, focalisant l’attention du patient, qui demande un soulagement rapide ; ■  fonctionnement de personnalité logique et rationnel ; ■  difficulté ou refus d’aborder sa vie psychique interne ; ■  difficulté à accepter le cadre de l’analyse (longueur, prix).

Complémentarité entre ces deux pratiques thérapeutiques

Le psychanalyste peut-il envoyer son patient vers le comportementaliste, et vice versa ?

Cela semble séduisant car, de cette façon, par exemple, la TCC agirait, de façon première, aiguë, brève, sur la symptomatologie invalidante, handicapante ; puis la psychanalyse s’attellerait au fonctionnement de personnalité

Il faut insister sur la nécessité de communication entre les deux thérapeutes, afin de ne pas créer de clivage ou de compétition, l’un respectant la spécificité de l’autre. En cas de prise en charge bifocale, il est important que chacun des théra­peutes soit au courant de l’existence de l’engagement psychothérapeutique mené en parallèle du sien, mais doit également en connaître les principes, les actions thérapeutiques et les limites.

Mais cela n’est pas si simple et pose plusieurs questions :

■  Un patient débarrassé de ses symptômes va-t-il alors facilement s’orienter vers le long cheminement de l’analyse ? ■  Est-il possible de s’y retrouver lorsque deux prises en charge psychothérapeu­tiques si différentes sont menées de façon simultanée ?

Par ailleurs, précisons que la plus grande prudence est à conseiller en matière d’éclectisme ; chaque psychothérapie doit, à notre avis, conserver sa spécificité.

L’exploration historique des courants psychanalytique et cognitivocomporte­mental retrouve une dichotomie nette dans leur présentation originelle. Leur évolution respective, toutefois, les a fait se rapprocher, notamment du fait des thérapies cognitives.

À l’heure actuelle, des indications similaires peuvent être retrouvées pour les TCC et les PIP, avec une prédilection pour :

■ les TCC, lorsque le patient se plaint d’une symptomatologie précise, invali­dante, ou lorsque son fonctionnement est plutôt rationnel ; ■ les PIP, lorsque des troubles de la personnalité sont présents, sans symptôme saillant, avec une recherche diachronique dans la compréhension de difficultés existentielles.

Références

3 Dans Soigner par les pratiques psycho-corporelles, sous la dir. d’I. Célestin-Lhopiteau, Dunod, Paris, 2015.

4 National Center for Complementary and Alternative Medicine http:/nccam.nih.gov(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

5 Manheimer E., Berman B. Cochrane Complementary Medicine Field. About The Cochrane Colla­boration (Fields) 2008, Issue 2. Art. n°CE000052.

6 J.-Y.Fagon, C. Viens-Bitker. Médecines complémentaires à l’AP-HP – Rapport de l’AP-HP, 2012 disponible sur https://www.aphp.fr/contenu/lap-hp-et-les-medecines-complementaires-lhopital-un-engagement-hospitalo-universitaire(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

7 Les médecines « complémentaires » présentes dans les CHU : Enquête réalisée au 1er trimestre 2012, résultats intégrés au rapport « Médecines complémentaires à l’Assistance Pulbique-Hôpitaux de Paris », J.-Y. Fagon, C. Viens-Bitker, mai 2012.

8 Dans Soigner par les pratiques psycho-corporelles, sous la dir. d’I. Célestin-Lhopiteau, Dunod, Paris, 2015.

9 Célestin-Lhopiteau I., Soigner par les pratiques psycho-corporelles. Dunod, Paris, 2015.

Bibliographie

Célestin-Lhopiteau I. Soigner par les pratiques psycho-corporelles. Paris : Dunod ; 2015.

Célestin-Lhopiteau I. Méthodes psychocorporelles dans la prise en charge de la douleur de l’enfant. In : Eccoffey C, Annequin A, editors. La douleur chez l’enfant. Médecine, Sciences ; 2011. Ed.

Fagon JY, Viens-Bitker C. Médecines complémentaires à l’AP-HP – Rapport de l’AP-HP ; 2012. Disponible sur https://www.aphp.fr/contenu/lap-hp-et-les-medecines-complementaires-lhopital-un-engagement-hospitalo-universitaire(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Le Van Quyen M. Les pouvoirs de l’esprit. Paris : Flammarion ; 2015.

Roustang F. Il suffit d’un geste. Paris : Odile Jacob ; 2003. Ed.

Guide des pratiques psychocorporelles © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Vous venez de lire le premier chapitre de l’ouvrage Guide des pratiques psychocorporelles 25 techniques (relaxation, hypnose, art-thérapie, toucher, etc.)(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Auteurs Isabelle Célestin-Lhopiteau

Directrice de l’IFPPC, Institut Français des Pratiques PsychoCorporelles www.ifppc.eu(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre). Responsable du DIU des pratiques psychocorporelles et de santé intégrative, Universités Paris Sud et Réunion et du DU Hypnose et Anesthésie, Université Paris Sud. Psychologue-psychothérapeute, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, CHU Bicêtre ; Créatrice et Rédactrice en chef de la revue « Big Bang Therapy » (www.bigbangtherapy.com(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)) Présidente de l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs. Coordinatrice du groupe de travail IFPPC « Référentiel du professionnel de santé ressource en pratiques psychocorporelles ».

Pascale Wanquet-Thibault

Cadre supérieur de Santé, co-gérante et responsable pédagogique d’Amae-Santé Co-responsable du DIU de pratiques psychocorporelles et santé intégrative Université Paris-Sud et La Réunion Membre du comité pédagogique du DIU douleurs de l’enfant et soins palliatifs pédiatriques, Paris, Lyon Praticienne en pratiques psychocorporelles Coordinatrice du groupe de travail IFPPC « Référentiel du professionnel de santé ressources en pratiques psychocorporelles » Membre de la SFETD Membre du comité d’éthique de l’HAD de l’AP-HP

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